Le groupe de Mark Zuckerberg pourrait construire une plateforme de marketing relationnel très puissante sur mobile, selon les experts interrogés par le JDN.
Facebook est donc passé à l’acte. Après avoir laissé Whatsapp se développer tranquillement dans son coin, le groupe de Mark Zuckerberg s’est décidé à justifier les 19 milliards de dollars dépensés en février 2014. Il collecte, depuis fin août 2016 et le changement des conditions de confidentialité de l’application de messagerie instantanée, certaines données relatives aux utilisateurs : leur nom et leur numéro de téléphone.
« En connectant votre numéro de téléphone avec les systèmes de Facebook, ce dernier peut vous offrir de meilleures suggestions d’amis et vous montrer des publicités plus pertinentes si vous avez un compte Facebook. Par exemple, vous pouvez voir une publicité d’une entreprise avec laquelle vous avez déjà travaillé au lieu de voir celle d’une entreprise dont vous n’avez jamais entendu parler », justifiait alors Whatsapp dans une note de blog.
La tentative d’explication ne convainc pas forcément la presse spécialisée alors que Whatsapp s’est longtemps positionné en défenseur de la vie privée de ses utilisateurs. Pour autant, il ne s’agit pas d’une surprise pour le fondateur du Mobile Network Group, Paul Amsellem pour qui l’utilisation des données Whatsapp était la seule option viable pour Facebook. « Ça aurait été compliqué de revenir au modèle payant qu’avait Whatsapp avant le rachat. Encore plus d’introduire de la publicité, Jan Koum s’y étant toujours fermement opposé », justifie-t-il.
Reste une question : que va bien pouvoir faire Facebook de toute cette data ? Avec près de 1 milliard d’utilisateurs, Whatsapp est un bassin d’audience encore plus important que Messenger, l’autre service de messagerie instantanée lancé par Mark Zuckerberg. « Les deux populations sont très complémentaires d’un point de vue socio-démographique et géographique », précise Pierre Fournier, l’un des cofondateurs d’Artefact, société spécialisée dans le big data. A Messenger des pays comme les Etats-Unis ou la France. A Whastapp l’Amérique du Sud ou l’Espagne. De quoi permettre à Facebook d’être encore plus exhaustif dans son ciblage socio-démographique.
Alors que c’est surtout l’argument publicitaire qui a été brandi au moment de l’annonce, Paul Amsellem voit plutôt Facebook mettre sur pied une plateforme de marketing relationnel mobile grâce à laquelle les marques pourraient communiquer avec leurs clients et prospects sur Messenger et Whatsapp. « Les marques paieront pour entrer en contact avec leur audience », prédit-il.
1 milliard d’utilisateurs… et 1 milliard de numéros de téléphone donc. Et c’est dans un premier temps, Custom audience, fonctionnalité qui permet à un annonceur de croiser sa base de données emailing avec celle de Facebook pour communiquer, qui devrait évoluer. « Ce croisement pourra s’effectuer via les numéros de téléphone obtenus, ce qui permettra d’avoir des taux de matching bien plus important », explique Pierre Fournier. Le taux de matching des emails de Custom Audience flirte avec les 50%. Il pourrait grimper à près de 75% en se basant sur les numéros de téléphone.
« C’est une très bonne nouvelle pour les retailers dont les programmes de fidélité reposent désormais quasiment tous sur le numéro de téléphone », note Pierre Fournier. Whatsapp le dit d’ailleurs à demi-mot lorsqu’il évoque la possibilité de « vous mettre en relation avec des entreprises qui comptent pour vous, en partageant nom et numéros de téléphone : notifications en provenance de compagnies aériennes, services de livraison ou banques. »
Paul Amsellem prédit même dans un second temps que, grâce aux chatbots, les marques se mettront à gérer leur SAV sur Whatsapp comme elles le font déjà sur Messenger.
Quelques écueils toutefois à cette fiction. La FTC qui pourrait monter au créneau alors que Facebook avait promis qu’il n’irait pas mettre son nez dans la donnée de Whatsapp au moment du rachat. Une agence de protection de la vie privée vient d’ailleurs d’interdire à Facebook de collecter de la data auprès des 35 millions d’utilisateurs de WhatsApp en Allemagne. En cause : les limites de l’opt-out, qui permet d’éviter les publicités ciblées, mais ne permet pas d’éviter les échanges de données entre Facebook et Whatsapp. Enfin, les utilisateurs peu friands de ce tracking pourraient eux être tentés de fuir vers des concurrents comme Telegram et Kik.